Mardi 10 décembre

Alors que vous butinez sur la toile des informations à gauche et à droite, suivant les nouvelles de la Syrie en essayant de démêler l’écheveau des alliances et des croisements d’intérêts qui ont conduit au départ de Bachar el-Assad (départ volontaire et concerté visiblement), tandis que vous feuilletez des pages numériques qui vous décrivent le calvaire des prisonniers politiques syriens et l’afflux de nouveaux réfugiés au Liban (des chiites et des chrétiens des villages frontaliers, des alaouites et des sunnites gravitant dans l’orbite de l'ancien régime), vous tombez sur le visage d’un petit garçon qui vous évoque irrésistiblement le vôtre, en plus jeune. Il doit avoir quatre ou cinq ans sur la photo, une bouille d’enfant malicieux, la peau lisse et nette d’un garçon choyé, les cheveux châtains soigneusement coiffés. Il sourit sur la photo, et vous lui souriez intérieurement, de façon machinale, sans soupçonner ce que vous allez apprendre un instant plus tard : ce bel enfant souriant à la vie, baignant dans la douceur d’un foyer aimant, cet enfant qui vous a happé au détour d’un clic, il a été fracassé par un missile à Maaysrah, au cœur du caza chrétien de Kesrouan. Sa famille avait fui le village de Houla, à la frontière avec Israël. On vient seulement de retrouver son corps sous les décombres d’un bâtiment bombardé par Tsahal il y a deux mois.

En quelques secondes, vous êtes passé de la quiétude attendrie face au visage d’un enfant en apparence heureux, à l’horreur absolue en découvrant que ce même enfant était un cadavre retenu par les ruines pendant deux mois après avoir été tué par un missile. Il s’appelait Amir Wissam Hussein, le petit garçon de la photo. Il ne pourra pas être enterré dans son village de Houla, toujours sous occupation israélienne, comme des dizaines d’autres localités où Tsahal continue de détruire des maisons et de vadrouiller librement en empêchant les villageois de rentrer chez eux.