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Kéllon ya3ni kéllon

Régulièrement on entend des hommes politiques s’insurger contre le fameux slogan en vogue depuis le 17 octobre 2019 : kéllon ya3ni kéllon, dont l’équivalent en français serait le non moins fameux tous pourris. Ils n’ont pas tort. Une distinction doit être faite entre les corrompus systémiques et les corrompus tardifs au Liban.

Les corrompus systémiques sont les dirigeants communautaires, pour la plupart d’anciens chefs de guerre, qui, après l’instauration de la Pax Syriana au début des années quatre-vingt-dix avec la bénédiction des grandes puissances, ont mis en place un système politique fondé sur le dépeçage de l’État et l’accaparement de ses richesses, n’hésitant pas à désosser une à une ses institutions et à laisser filer la dette publique avec la complicité des banques, notamment la première d’entre elles, le levier financier du pouvoir, la Banque du Liban. Ce groupe porte sans doute une responsabilité majeure dans la situation actuelle. C’est lui qui a donné le départ de la course vers l’abîme.

Quant aux corrompus tardifs, ce sont les partis qui étaient absents de la scène politique au moment où le système mafieux a été instauré sous l’égide de la Syrie. Mais ces nouveaux venus ne sont pas exempts de responsabilité, car ils ont participé à plusieurs gouvernements depuis 2005. Même en supposant qu’ils n’ont pas détourné de fonds, ils ont, par leur présence au Conseil des ministres et leurs alliances avec les corrompus systémiques, octroyé une légitimité à ces derniers, cautionné de facto le régime en place et couvert ses agissements criminels. De plus, la corruption, au sens large, ce n’est pas seulement piquer dans les caisses, c’est aussi s’ingérer dans la justice pour entraver son travail, s’immiscer dans les nominations administratives pour attribuer à ses partisans des postes élevés de l’État au mépris de la compétence et du mérite, c’est intervenir dans les marchés publics, pratiquer la manipulation de masse, voter des lois électorales iniques, s’incruster au gouvernement malgré ses échecs répétés, et la liste est longue. De tout cela, quel est le parti qui peut se déclarer innocent ?

Donc oui, les responsabilités ne sont pas égales. Mais elles sont toutes établies. S’il faut se méfier du slogan simpliste de kéllon ya3né kéllon, dont les principaux bénéficiaires sont les corrompus systémiques, on ne peut ignorer les faits, et les faits sont là, têtus, qui incriminent toute la classe politique actuelle, à de très rares exceptions près.