Vendredi
29 novembre
La trêve ne commence pas sous les
meilleurs auspices : Israël a bombardé hier un village du caza de Saïda
(Baïssariyyeh) au nord du Litani, très loin de la frontière, outrepassant le
cadre de l’accord de trêve. Ce dernier stipule clairement que les parties
doivent d’abord se référer au comité de supervision en cas de violation des
termes, et non traiter par elles-mêmes les entorses éventuelles via des
attaques instantanées, à moins d'une menace urgente et directe, ce qui n'était pas le cas en l'occurrence. Tsahal a de plus survolé le territoire libanais et tiré
sur des habitants ainsi que des journalistes à la lisière de la zone occupée, blessant
grièvement un reporter de l’Associated Press, Mohamad Zaatari. Il a même abattu
un oiseau en plein vol, le prenant pour un drone. Du côté libanais, aucun tir n’a
été signalé.
La proclamation du cessez-le-feu a suscité
un immense espoir au Liban. Hier encore, je croyais probable l’application
de la trêve et possible le tracé terrestre de la frontière. Aujourd’hui, j’en
suis à me demander si la trêve conclue mardi va durer effectivement soixante
jours. Des voix s’élèvent en Israël pour réclamer la reprise des combats, et d’autres
voix, au Liban, nous promettent le sort de la Syrie et de la Cisjordanie où
Israël s’accorde le droit d’intervenir et de pilonner des cibles quand bon lui
semble.
Rien n’est encore joué. Le comité de supervision n’a pas eu le temps de mettre en place les mécanismes adoptés et l'armée libanaise n'a pas achevé son déploiement au sud du Litani. Mais on est déjà loin de l’euphorie des premières heures. L’inquiétude a remplacé le soulagement, et j’appréhende le moment où j’aurais à annoncer une mauvaise nouvelle à R. Je n'ai ni l'envie ni la force de lui annoncer le retour des bombes. J'espère ne jamais avoir à le faire. Les jours prochains nous diront si l’espoir est encore permis, ou si la guerre, expulsée par la porte de service, va rentrer bientôt par la grande porte.