Prewedding à Jeïta
On croyait la grotte de Jeïta en de bonnes
mains. C’est quand même un joyau de la république, une merveille du patrimoine
universel : le nombre de visiteurs par heure est limité et une équipe de spéléologie
veille scrupuleusement à la protection des lieux. Il est interdit d’y prendre
des photos et des vidéos, de toucher les formations géologiques, de courir dans
les allées, de faire du bruit et de parler fort.
Or voilà qu’à la faveur de vidéos fuitées et partagées abondamment sur les réseaux sociaux, l’on apprend qu’une fête a été organisée dans la grotte de Jeïta ! Non pas une petite fête en comité restreint, mais un « prewedding » (sic) à grande échelle où étaient conviées cent vingt personnes. Sur les vidéos, on voit distinctement une foule d’individus se trémoussant sur une musique rythmée à plein volume, le tout sous un puissant éclairage. De plus, les convives se pressaient sur des passerelles fragiles qui ne sont pas conçues pour supporter un tel poids et qui auraient pu céder avec les conséquences qu’on imagine.
Au-delà du traitement réservé au patrimoine naturel et archéologique au Liban, ainsi qu’à l’environnement en général, ce que cette lamentable affaire dit de nous se résume en une formule : l’argent roi. On peut tout acheter au pays du Cèdre, des diplômes (on l’a vu récemment), des juges, des policiers, et même le droit de mettre en péril la plus belle et la plus grande de nos grottes. Une somme de trente mille dollars aurait été versée à la municipalité de Jeïta pour obtenir l’autorisation d’y organiser cet indispensable et essentiel « prewedding », dernière lubie de la bourgeoisie libanaise. (5/11/25)