Le Soûri

Qu’est-ce qui s’est passé au juste ? Qui a commencé ? On l’ignore. Toujours est-il qu’une altercation a eu lieu entre un ouvrier syrien et deux lycéens de l’International College, école prestigieuse de Beyrouth. Comme, manifestement, les deux jeunes gens n’ont pas réussi à prendre le dessus sur le Soûri, l’un d’eux a fait appel au chauffeur de son père, qui se trouve être le conseiller de l’ancien Premier ministre Najib Mikati. Ni une ni deux, les trois individus retrouvent le Syrien : le chauffeur se met à le battre à bras raccourcis, avant d'inviter le fils de son patron à continuer le travail, et c’est là où les images (filmées par l’autre lycéen) deviennent insoutenables : le jeune homme s’acharne sur l’ouvrier avec une brutalité effarante, une rafale interminable de coups de poing et de pied dont la violence n’a d’égale que l’extrême rapidité. Le Syrien n’oppose pourtant aucune résistance. On le voit assis, la tête dans les mains, encaissant les coups en silence, conscient sans doute d’être le maillon faible de la chaîne, parce qu’il est pauvre, parce qu’il est syrien, parce qu’il est en situation irrégulière selon toute probabilité.

Malheureusement pour les trois agresseurs, les images ont fuité : elles ont tourné sur les réseaux sociaux, acculant les autorités à réagir. La justice s’est saisie de l’affaire et la police a arrêté le chauffeur, tandis que Najib Mikati et l’International College condamnaient fermement l’agression. L’IC a même exclu l’élève impliqué. Autant de mesures saines et rassurantes, mais dont on ignore si, une fois la poussière retombée et l’attention publique portée ailleurs, elles seront encore de mise.

Si le chauffeur et son protégé n’avaient pas été aveuglés par leur haine, le premier aurait compris qu’il battait un semblable, et le second, au lieu de tabasser un immigré syrien, se serait rappelé que la richesse exige un minimum de décence et d’humilité à l’égard des plus démunis. (13/11/25)