Les Routes du Pape

Les Libanais se plaignent régulièrement de l’état de leurs routes semées de bosses, d’ornières et de nids-de-poule, aux revêtements si désagrégés par endroits qu’elles s’apparentent plus à des pistes agricoles qu’à des routes en bonne et due forme. Les pouvoirs publics ont coutume de rétorquer que les caisses sont vides et que le gouvernement n’a pas les moyens de réhabiliter toutes les voies du pays. Les Libanais comprennent ces arguments, eux qui ne se sont pas encore remis de la crise. Ils se résignent et ils attendent le faraj, le jour de la délivrance.

Or voilà que depuis quelques semaines, on assiste à un spectacle aberrant : les engins du ministère des Travaux publics sont mobilisés en masse pour la réfection de certaines voies urbaines et interurbaines, y compris, parmi elles, des voies qui n’en ont guère besoin. On goudronne à tout-va des chaussées en bon état et on néglige, ailleurs, des routes fortement dégradées. Que s’est-il passé ? Pourquoi ce sursaut soudain et néanmoins incongru ? La raison en est simple : le Liban attend la visite du Pape Léon XIV à la fin de ce mois. Partout où la papamobile passera, on a décidé de refaire les routes à neuf, abstraction faite de leur état initial. Et tant pis pour le reste du pays.

Dommage que le Pape ne séjourne pas un mois entier au Liban et qu’il ne soit pas convié dans chaque village du littoral, de la montagne et de la Békaa. Nous disposerions pour les fêtes d’un réseau nickel de routes impeccables dans toutes les régions, y compris dans les zones lointaines habituellement oubliées du gouvernement central. (11/11/25)