Mort à Chatila
Un jeune automobiliste égaré se retrouve
en pleine nuit dans le camp palestinien de Chatila. Pris de panique, il
accélère, fonce à travers les rues étroites et force un barrage militaire. La
riposte est immédiate : un milicien
du camp lui tire dessus et le tue.
Quatre aberrations réunies ont provoqué ce
fait divers tragique :
- Trente-cinq ans après les accords de Taëf
et la fin de la guerre, il y a encore des milices (palestiniennes en l’occurrence)
qui érigent des barrages armés dans les rues de Beyrouth.
- Le ou les tireurs ont pris pour cible le
chauffeur de la voiture, au lieu de viser les pneus, comme il est d’usage dans
ces circonstances.
- Elio Abi Hanna, de confession chrétienne,
diplômé de l’université du Saint-Esprit, a probablement été élevé dans la peur
et la méconnaissance de l’autre, comme beaucoup de chrétiens de sa génération. La
guerre a beau être terminée, les barrières mentales perdurent dans toutes les
régions du pays, et l’on peut penser qu’en arrivant par mégarde à Chatila, le
jeune homme a été saisi de frayeur à la vue de signes, de symboles et d’individus
qui ont réactivé en lui une représentation peu rassurante des Palestiniens et
des musulmans transmise par son éducation et les médias de sa région.
- Elio avait coutume de se fier à son GPS
pour s’orienter sur les routes du pays, un phénomène répandu parmi les jeunes d’aujourd’hui
dont les repères spatiaux sont de plus en plus limités. Or le GPS est loin d’être
fiable, et il en a donné une preuve sinistre ce soir-là : Elio sortait d’un
dîner à Badaro avec ses amis ; il a suivi les recommandations de son GPS
qui, au lieu de le conduire vers le nord de la capitale, l’a mené au camp de
Chatila. On connaît la suite.
Quatre aberrations pour une mort absurde. Sans surprise, les médias libanais évoquent abondamment la première, mentionnent la quatrième, effleurent la troisième et ignorent totalement la troisième. (30/10/25)