No pasarán

Des amis m’envoient la vidéo d’une chanson espagnole en hommage à la Palestine. La chanteuse apparaît seule sur scène face à un public immense dans ce qui semble être une arène ou un stade de foot. Tout est parfaitement calibré : la voix, la musique, les paroles, mais au bout de quelques dizaines de secondes, je suis saisi d’un malaise. Quelque chose cloche dans ces images où la chanteuse est filmée sous un angle unique et les spectateurs de dos, masse informe d’où émergent des drapeaux palestiniens. Il s’agit en fait d’une chanson générée par l’intelligence artificielle, images comprises, à ceci près que les paroles s’inspirent du fameux discours tenu par la « Pasionaria » Dolores Ibarruri le 19 juillet 1936 à Madrid, quand Franco a lancé son coup d’État contre la République espagnole. La chanteuse elle-même ressemble à Dolores Ibarruri dans sa vieillesse, quand elle s’est fait réélire députée en 1977 après la chute du franquisme.

L’intelligence artificielle a beau n’en être qu’à un stade assez précoce de son développement, elle parvient à produire des vidéos extrêmement crédibles : dans le cas présent, la vidéo a été visionnée par des milliers de personnes et, si je m’en fie aux commentaires, la quasi-totalité des internautes ont été dupes de la manipulation. Le temps est peut-être venu d’imposer aux plateformes comme YouTube de signaler clairement au public le recours ou non à l’IA dans les vidéos postées. Quant aux artistes, pour peu qu’ils soient personnels et authentiques dans leur expression, pour peu qu'ils soient « eux-mêmes » en somme, ils n’ont rien à craindre d’une machine qui ne fait que brasser du déjà-vu et du déjà-entendu. (13/10/25)