La Dame au chien
C’est une sans-abri familière aux
promeneurs de la corniche. On la voit souvent traîner dans les parages, les
cheveux blonds défaits, la bouche édentée. Elle parle fort, d’une voix caverneuse
éraillée par les cris et le tabac, riant aux éclats pour un rien avec des
gestes qui se veulent virils.
Ce matin, pour la première fois, je l’ai vue étendue sur un banc, flanquée d’un fouillis improbable de vieilles couvertures et de sacs en plastique. Elle était endormie, les lèvres étirées par un sourire, non pas un rictus de sommeil mais un franc sourire qui semblait adressé au soleil à peine levé. Face à elle, recroquevillé sur une chaise, un chien blanc, genre caniche ou bichon maltais : il se dégageait de ce tableau une impression de sérénité et de bien-être qui contrastait étrangement avec la misère des deux personnages.
J’ai poursuivi mon chemin jusqu’au stade al-Nahda. À mon retour, une heure plus tard, la dame était encore là, mais le soleil avait perdu sa douceur matinale : le visage souriant n’était plus visible parmi les couvertures et le chien, l'œil un peu torve, avait déserté sa chaise pour trouver refuge à l’ombre du banc. (11/10/25)