Les apatrides

À la faveur d’un décret présidentiel, Gianni Infantino, président de la FIFA, vient d’être naturalisé libanais pour services rendus à la nation. La décision est justifiée : l’homme est marié à une Libanaise (Lina al-Achkar) dont il a quatre enfants. De plus, la FIFA s’est engagée à financer la construction d’un stade ultramoderne de vingt mille à trente mille places à Beyrouth, à charge pour la fédération nationale de fournir le terrain. Aucun problème donc. Le Liban ne se déshonore pas en comptant Gianni Infantino parmi ses citoyens, comme il s’était déshonoré dans les années 90, sous la férule syrienne, quand des cohortes d'individus ont été naturalisées indûment pour des raisons communautaires et électoralistes. Là où le bât blesse, en revanche, c’est qu’au moment où Infantino obtient un troisième passeport d’un simple claquement de doigts, il y a des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants qui vivent au Liban depuis leur naissance, dont la mère est libanaise, mais qui, eux, sont privés de la nationalité de leur pays car leur père est étranger, avec toutes les conséquences qu’on imagine dans leur vie quotidienne. Comment ne pas comprendre leur amertume et leur colère face à ce décret présidentiel ?

Le plus cocasse dans l’affaire est que les propres enfants de Gianni Infantino, privés jusque-là de la nationalité libanaise, vont devenir libanais, non par leur mère libanaise, mais par leur père italo-suisse naturalisé libanais ! On peut difficilement concevoir un système plus absurde, plus injuste et plus misogyne, dont l'unique motivation est de maintenir l'équilibre démographique entre les communautés, car les naturalisations par la mère, si elles devaient avoir lieu, profiteraient surtout aux musulmans. Voilà sur quoi est bâti notre pays : la peur de l'autre. (9/12/25)